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« Il faudra du temps pour digérer ce séisme »

Nicolas Mauffrey et Bruno Lancelot sont vice-président et président de l’Association des producteurs de lait Lactalis du Grand Est (Apllage). Eleveur de 43 ans en Haute-Saône, le premier fait partie des producteurs qui ne livreront plus Lactalis en 2026.

Deux cent soixante-dix producteurs de lait conventionnel vont recevoir de Lactalis un courrier de rupture de contrat dans les prochains mois. Cent treize sont adhérents de l’Association des producteurs de lait Lactalis Grand Est, l’une des OP de l’Unell. Interview de Nicolas Mauffrey et Bruno Lancelot, livreurs de Lactalis et présidents de l’OP Apllage.

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Pressentiez-vous la volonté de Lactalis de se séparer de producteurs ?

Bruno Lancelot : Depuis la médiation d’avril avec l’Unell, dont l’Apllage est adhérente, nous savions que Lactalis voulait réduire sa collecte. Il était convenu que le projet soit soumis à discussion. Nous ne nous attendions pas à cette annonce brutale le 25 septembre. Sur les 360 adhérents de l’Apllage (204 Ml), 113 sont concernés. 57 sont dans le nord de la Haute-Saône [NDLR : dont Nicolas Mauffrey], 27 de l’autre côté de la frontière départementale, dans les Vosges, 19 dans la Haute-Marne, 8 en Meurthe-et-Moselle et 2 dans l’Aube.

Leurs 64 Ml approvisionnent le site de concentration du lait de Xertigny (Vosges), qui va fermer, ou sont en échange de collecte. La procédure judiciaire initiée par l’Autorité de la concurrence contre les accords d’échange entre industriels pèse très probablement dans la décision de Lactalis de se séparer de producteurs. Si l’on ajoute les 35 producteurs qui ne sont pas membres d’une OP et les 20 en bio, ce sont au total 168 producteurs qui sont touchés dans notre région.

Votre exploitation, Nicolas, est directement touchée. Comment surmontez- vous l’annonce de Lactalis ?

Nicolas Mauffrey : Je commence à la digérer… La digestion est longue. Mon investissement dans l’OP m’aide beaucoup. La présence de quasi tous les adhérents concernés aux trois réunions organisées par l’Apllage en octobre me rassure. Heureusement qu’elle existe ! Elle évite de contacter en ordre dispersé les industriels de la région. La priorité est de proposer une solution à chaque producteur, qu’il soit adhérent de l’OP ou non. C’est un choix important. D’un point de vue opérationnel, c’est plus cohérent. Les industriels contactés ont besoin d’une vue d’ensemble.

Mais, conformément à nos engagements, nous veillerons à ce que les adhérents ne soient pas lésés. Dans le Grand Est, les outils industriels sont de taille moyenne, avec notamment des fromageries. Ils n’ont pas la capacité d’accueillir un grand nombre de producteurs, comme on le voit dans l’Ouest avec des communiqués d’entreprises pour 40 à 50 livreurs supplémentaires. De plus, nous ne voulons pas participer à un jeu de chaises musicales qui pourrait fragiliser nos collègues déjà en contrat. C’est la somme des besoins des entreprises et des attentes des producteurs qui fera l’équation. Je suis optimiste.

L’OP ne peut pourtant pas éviter les démarches individuelles de producteurs.

B. L. et N. M. : Le cabinet Triangle sera la cheville ouvrière. L’Unell l’a missionné pour recenser les laiteries potentiellement intéressées dans les deux régions concernées par les ruptures de contrat : la nôtre et, à l’ouest, le sud de la Loire. Lactalis l’a présenté à notre association d’OP. Il est connu pour sa gestion des ex-livreurs de Danone dans le Sud-Ouest il y a deux ans. Il aide l’Unell à établir un plan d’actions [NDLR : qu’elle devait annoncer après cette interview]. Une chose est sûre. Compte-tenu de l’ampleur de la tâche, le délai initial d’envoi des courriers de préavis de résiliation de contrats a été repoussé à mi-janvier. Et si alors, des producteurs sont sans solution, nous renégocierons soit l’envoi de la résiliation soit plus probablement la durée du préavis.

Demandez-vous pour les producteurs une compensation financière à Lactalis ?

B. L. et N. M. : Le sujet n’est pas encore sur la table mais il est légitime. Des indemnités de fin de contrat se sont déjà pratiquées. Est actuellement en négociation entre l’Unell et Lactalis le financement du cabinet Triangle.

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